Mon épouse a bon dos
Épouse-En-Reconstruction fourmillait sous les électrodes de la kinésithérapeute, s’offraient à moi les choix suivants :
1/ m’assoir sur la chaise de bois de la salle d’attente et piocher dans le porte-revues abondamment garni de magazines cent fois feuilletés ;
2/ tirer de ma poche le livre que j’y avais glissé trente minutes plus tôt avec l’inconvénient de devoir lire debout pour profiter de la lumière qui tombe lentement de l’applique murale judicieusement —pour autant que je me m’asseye pas — placée à la hauteur de mon visage ;
3/ battre le pavé — les rues du chef-lieu d’arrondissement sont pavées de grès, sinon en son ensemble du moins en son centre — et m’offrir ainsi la demi-heure d’exercice que la fréquentation compulsionnelle de la toile, sur mon temps qu’il serait incorrect de s’obstiner plus longtemps à nommer libre, rend plus qu’aléatoire, c’est à dire rédhibitoirement sacrifiée sur le bûcher des priorités dont il semble aisé de se priver.
Il pleuvait froid sur les pavés ;
lire debout dans une salle d’attente à demi déserte m’exposant aux regards curieux de la moitié peuplée du lieu ;
les problèmes de cœur des personnalités de 2003 me laissant quasi indifférent ;
la nuit ayant chassé les passants dont j’aurais pu suivre les pas en rêvant à une quelconque aventure ;
confisquer la lumière à mon profit m’indisposant ;
et considérant que les boutiques aller montrer portes closes, lundi oblige ;
tout bien pesé et emballé, je choisis néanmoins, en commun accord avec moi-même, de fouler les trottoirs sur lesquels se reflétaient les lumières de la ville.
J’ai pris froid.
Mes habits dégoulinent.
Ma casquette est à tordre.
Mes pieds clapotent dans mes chaussures.
L’eau perle à ma moustache.
Cependant, j’ai marché à mon rythme une demi-heure ; trois ans, peut-être, que je n’y étais pas parvenu.