Sa foi
Le petit homme gris n’avait jamais appartenu à cette cohorte d’enfants qui enfermaient des papillons dans des bocaux à la propreté douteuse ni à celle — la même ? — qui se réjouissait de faire fumer un crapaud. Nulle sauterelle ne fit jamais les frais de sa curiosité, clouée d’une brindille au cœur d’une fourmilière. La liste est immense des sévices qu’il n’infligea pas aux insectes ni aux oiseaux, même si le crapaud est plus batracien que volatile.
Alors quand ce fut une fée, qu’un matin, il trouva enclose dans un bocal scellé, qu’elle se jetait contre les parois, que son corps saignait et ses ailes se déchiraient, qu’il ne disposait que de son souffle pour faire fondre le verre, que croyez-vous qu‘il fit ?
Il s’époumona.
La cohorte — les cohortes ! étaient-ce les mêmes ?— des vieillards désabusés se moqua. Le petit homme gris ne relâcha pas sa patiente prétention. Son haleine tiède viendrait à bout de la paroi maculée des humeurs de la fée dont le vol se ralentissait à mesure que ses ailes s’effilochaient.
Quand la cohorte — oui, elle n’était qu’une — rejoignit le cimetière, épargné, le petit homme gris, patiemment, tirait de ses poumons le même souffle régulier. En dépit de sa mauvaise vue, dans un des derniers rayons de soleil du soir, il voyait s’amincir la prison minérale. Une fois le bocal éventré, miracle sans nom, la fée retrouverait instantanément son intégrité.
Le petit homme gris savait que le temps nécessaire lui serait accordé.