Du couronnement d'un chef à la peau lisse
Guilleret, dans le duplex de Rosette, je dévalais l’escalier — notons, pour circonscrire les lieux du drame, que le plafond de la cage de ladite suite de marches présente une arête fort contondante à qui dépasse six pieds de haut pour peu que sa foulée manifeste quelque allégresse à la descente (pour la montée, nulle liesse jamais ne provoqua ce que ma narration laisse anticiper ; les mystères de la physique, une fois encore ! ) — je me suis ouvert le crâne : rien ne s’est perdu, il était vide !
J’ai recouvert la béance de mon couvre-chef qu’une patère maternait et suis parti à mon rendez-vous chez la dentiste — c’est une dame, ma foi — ; elle devait me réparer une molaire, j’ai négocié : je porte désormais une chape de métal sous le bonnet ; elle n’est pas d’or, mais, n’étant souverain que de ce seul petit royaume, où je pose, à l’occasion, trois ou quatre mots choisis avec amour, ne suffira-t-il pas, à mon renom, qu’une couronne de chrome-cobalt ceigne mon front ?
Ma dent ? direz-vous. La voilà privée de son sacre. C’est ainsi, quand l’urgence sonne, on pare au plus pressé. De crâne, je n’en ai qu’un !
Relisant mon ineptie matinale, je me prends à redouter qu’un de mes lecteurs ne soit conduit à penser que ces deux derniers mois sans écriture n’aient caché un profond traumatisme crânien dont j’aurais été la victime. Sans doute eût-il été plus historique de noter : « Jeudi, chez ma fille, je me suis fait une bosse en sautant comme un cabri dans l’escalier. », sans doute… sans doute… Mais, l'adage ne stipule-t-il pas qu'il est permis de violer l'histoire pourvu qu'on lui fasse de beaux enfants ?