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Papistacheries
14 août 2009

Madeleine aux haricots verts

Trier les haricots verts est une de mes madeleines. Enfin, trier ? Trier, c’est du vocabulaire de mon épouse. Chez nous, on « épluchait » les haricots.

Trois ou quatre autour de la table de la cuisine,  un panier renversé au centre et autant de petits tas que de protagonistes, petits tas qui enflaient sur la droite de chacun de nous. La mise en bocaux, art savant et organisé était la prérogative des femmes de la maison. La conservation dans la saumure offrait l’avantage de ne pas devoir trier les haricots. Ils étaient serrés dans une grande jarre en grés, une planche enveloppée d’un torchon sacrifié pesait sur le tout. Périodiquement, la jarre était visitée afin de s’assurer de la bonne conservation. Les gousses ainsi préparées étaient loin d’avoir la saveur de leurs sœurs appertisées. C’est la saumure qui fut la première abandonnée quand les conserves maison en bocaux perdurèrent encore longtemps.

Pincer, couper, ôter les éventuels fils, casser les haricots trop longs, monter des tas. Jeter les jolis amas dans une cuvette d’eau claire. Vider un nouveau panier au centre de la table. Recommencer.

Plus tôt dans la saison nous avions écossé les petits pois, une casserole entre les genoux pour recueillir les graines. Pester quand les vers s’étaient logés dans la gousse et qu’ils avaient élu domicile au cœur d’un petit pois condamné.

En juin, nous faisions le tilleul. Une couverture jetée sur les gravillons de la cour, assis en tailleur, nous enlevions une à une les inflorescences des branches que notre père avait coupées à quelque arbre du voisinage. Les doigts poissaient, les narines se saturaient du parfum délicat. Quand l’exercice était terminé les garçons tentaient de récupérer une fourche ou deux pour confectionner des lance-pierres voués à une rapide rupture. Le bois de tilleul  est si tendre.

Cueillir directement à l’arbre les grappes fleuries du sureau pour confectionner l’infusion nécessaire, en hiver, à décoller nos paupières scellées, au petit matin, par la conjonctivite n’occupait qu’une paire d’heures dans l’été.

Grimper à l’arbre — il n’en poussait pas qu’un seul — pour remplir son panier de cerises et autres bigarreaux ne coûtait pas cher. Une bonne diarrhée l’an.

Harassante était la corvée des groseilles, les arbustes en offraient trop. La main ne savait jamais où se porter. Il a fallu du temps pour acquérir la bonne méthode : la méthodique, branche après branche.

Les pommes de terre ! Fin aout, début septembre. L’arrachage, au crochet, dévolu à l’adulte. L’enfant suit son père ou son grand-père, dos courbé, comme lui ou accroupi quand la fatigue vient, il dégage les tubercules de leur gangue durcie et remplit l’un des trois cageots à sa disposition. Les belles, les petites et les meurtries par les dents du crochet. Il est convenu qu’à la saison de l’arrachage des pommes de terre nourricières, l’adulte a le droit de jurer à chaque fois que l’outil se fiche au cœur d’une — la plus grosse, toujours — patate, comme on disait entre nous, le maître d’école étant loin. Le contenu des cageots, trop lourds, était versé, par l’adulte, dans des sacs en toile de jute à l’odeur de terre, lesquels étaient hissés dans la brouette et charroyés jusqu’à la remise obscure. On ne saupoudrait pas les légumes de poudre anti-germe, deux fois l’an, les enfants se rassemblaient dans la remise éclairée par la lueur du jour qui franchisait le seuil de la porte maintenue ouverte et ôtaient les germes aux tubercules qui se ridaient chaque fois plus.

Quoi encore ? Les pissenlits. Le « petit bois » pour allumer le poêle à aller ramasser dans les sous-bois voisins. Le lait, tous les soirs, à prendre à la ferme. L’herbe pour les lapins. Les champignons. Le cresson sauvage. La binette à passer entre les rangs de légumes — « Un binage vaut deux arrosages ». Les arrosoirs à remplir à la pompe à bras, d’abord l’amorcer puis s’activer, recommencer au début, s’aguerrir, se faire une fierté d’y réussir au premier coup. Arroser. Bruler les déchets au fond du jardin. Fabriquer des déchets pour revenir plus souvent au fond du jardin et craquer l’allumette. Rentrer le linge.

Si j’ai acheté des haricots verts à trier ? Comment avez-vous deviné ?

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Commentaires
C
Je les ai dans mon cœur moi aussi ces madeleines... Merci pour l'émotion partagée
P
Votre grand-mère avait des expressions très imagées, Sandrine.
S
Chez ma grand-mère on plumait les légumes et je peux dire que je les ai guetter les légumes pour assister à leur envol... Vous imaginez, une migration de courges ?
P
C'était du Tilleul, Valérie.<br /> <br /> Zigmund je demanderai à ma mère pour savoir si elle en faisait une infusion ou une décoction.<br /> <br /> MAP, j'avais entendu parler des conserves explosives du petit pois.<br /> <br /> Miss-Ter vous nous donnerez à lire. Ici, si cela vous chante.<br /> <br /> Ici, Tilleul, Mamoune aime bien les petits pois mange-tout. Vous pourriez essayer, c'est une culture facile.
T
Et bien, j'ai l'impression que nous avions les mêmes occupations... Pour le sureau, moi non plus je ne connaissais pas ce remède contre la conjonctivite, on emploie encore la camomille... Vous me rappelez qu'il y avait parfois un ver dans les petits pois... Moi, je n'en plante pas! En revanche, j'ai cueilli des haricots et c'est maman qui les a coupés... Les courgettes ont poussé toutes en même temps et comme certaines sont attaquées par les limaces, je ne peux attendre avant de les congeler... C'est amusant un potager, mais quel travail!!
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