Pierre de foudre
Je marchais dans la campagne beauceronne avec mon grand-père maternel. Nous avions 82 ans à nous deux. Il se baisse et ramasse un caillou qu’il me tend :
— Une pierre de foudre !
Dans sa main, un oursin fossile, semblable à tous ceux que j’amasse et range dans une vieille boite à munitions de guerre. Il ignore ma collection.
— Regarde ces marques en forme d’étoile. Quand la foudre frappe les pierres, elle laisse ces trainées. On en trouve beaucoup dans les champs.
Moi, interdit, je me garde de contrarier son commentaire avec mes balbutiantes notions de géologie apprises dans le livre de sciences emprunté à ma sœur aînée.
Je prends son explication comme la transmission d’un savoir hérité d’un âge magique.
Il ne m’en a pas dit plus ; ni, si cacher la pierre sous son oreiller protégeait de l’orage ; ni, si l’enfouir dans les fondations d’une construction neuve portait chance ; ni, si la tenir serrée dans son poing favorisait l’enfantement ; ni, si la frotter sur son corps délivrait des rhumatismes… Sans doute pensait-il que j’étais trop jeune pour tout apprendre en une seule fois ; nous avions 86 ans à nous deux quand il est mort.