Ça tombait comme à Gravelotte
Au début, j’ai cru que c’était une invasion de Martiens. J’ai composé le 17, pour raconter toutes ces soucoupes volantes qui se posaient sur mes pissenlits. Je me suis présentée et j’ai bien entendu le préposé qui disait à son chef :
— C’est la vieille qui habite près de la gare, chef, cette fois, elle a vu des soucoupes volantes.
La vieille, la vieille ! Petit morveux ! Je pourrais être son arrière-grand-mère ! J’ai raccroché. De toutes façons, ils ne se dérangent plus, sauf pour les calendriers ! Qu’ils y viennent ! Je les recevrai avec un grand verre d’eau froide. Mécréants.
Les soucoupes continuaient à atterrir et j’ai pensé à monter le volume de mon sonotone. Et j’ai compris. Je ne suis pas née de la dernière alerte. Ça bardait chez les petits voisins, au numéro trois. Enfin ! Depuis le temps que j’attendais ça.
C’est vrai, quoi ? Et je te tiens par la main ! Et je te fais un bisou dans le cou ! Et ma chérie par-ci, mon amour par-là. En cinq ans, rien, pas une dispute, pas un cri, pas une fâcherie. Des extraterrestres ! Des extraterrestres, jusqu’à aujourd’hui. Justement le jour où il pleut des soucoupes. C’est trop drôle. Je vais l’écrire à Jacques Martin. Il soufflera l’idée à Thierry Le Luron pour ses sketchs du dimanche soir. Il a changé Le Luron, je l’aimais mieux avant. Mais, c’est pas tout. Je vous raconte.
C’est elle qui criait. Et la vaisselle valsait. Elle a des biscottos la Mamoune, on pourrait la prendre pour les jeux Olympiques de Berlin, elle ferait führer. Ben quoi ? Vous riez pas ? Mon défunt mari, ça le faisait se tordre, à chaque fois, en 36.
Je reviens à la dispute. J’ai noté. J’ai une mémoire en faillite, comme elle disait la maîtresse d’école. Jamais je ne me trompais pour le compliment à Monsieur le Maire. Vous voulez que je vous raconte ?
Faites pas les mijaurées. Vous en mourez d’envie.
— "Eh bien, vas-y ! Vas-y ! Va les retrouver tes blogueuses. Elles comptent plus que moi maintenant. J’en ai marre, tu entends. Le lavabo n’est toujours pas réparé. Le tiroir de la salle de bains, hein, le tiroir c’est moi qui vais le recoller ? Vas-y ! Elles t’attendent ! Oh ! Si elles te voyaient là, tout péteux, tout minable. Mais vas-y, je te dis. Tu n’attends que ça."
Lui, je le voyais pas. Il devait se tenir dans l’arrière-cuisine. Remarquez, je ne l’aime pas beaucoup, lui. C’est un mou. Un homme qui caresse trop sa femme, c’est un mou. Mon mari me le disait toujours, de son vivant. Elle a repris :
— "Et moi ! Je passe après le blog ! S’il reste du temps, hein ? Je suis ta muse, je suis ta muse ! Tu sais ce qu’elle en pense ta muse. Il n’y en a plus que pour elles. Et une telle qui a écrit ceci, et une autre qui a pensé cela, et la troisième qui s’est cassé un ongle. J’en ai assez ! Laisse-moi pleurer toute seule, va les retrouver. Elles sont si fragiles, elles ont tellement besoin de toi. Et moi, je peux...
Non !
J’arrête...
Je n’y parviens pas.
C’est mauvais.
C’est un peu de votre faute aussi,
avec l’unanimité de vos compliments ces jours-ci.
Je ne m’y retrouve plus.
En trente années de vie commune on n'a pas encore réussi à se disputer, et comme je n’ai aucune imagination... je ne sais pas faire, moi !