Bilan de santé
Mamoune va mieux qu’hier. Elle s’est levée quatre fois et a même arpenté— avec la kiné— le couloir de l’étage des soins intensifs où elle dort encore cette nuit.
Ce qui m’impressionne, ce sont les quatre bocaux (j’ai oublié le terme médical) qui recueillent le sang canalisé par les drains. Quatre ! A eux quatre, ils contiennent plus d’un litre de sang. Les infirmières mesurent périodiquement la hauteur du liquide dans chaque flacon. Quand elle se lève, il faut faire suivre cette quincaillerie plus les perfusions. Si les saignements cessaient on les lui retirerait. Peut-être demain ?
Cet après-midi, elle a voulu tricoter un peu pour se prouver que tout allait bien... elle a fait deux rangs ; les trois pelotes accrochés au tricot (elle tricote trois couleurs alternativement) ressemblaient à ces bidons qui lui parasitent la colonne vertébrale, comme si son ouvrage, par empathie, souhaitait lui ressembler un peu.
Quand elle s’assoupit, elle parle. Je n’avais jamais entendu le moindre son sortir de sa bouche dans son sommeil. C’est incohérent, incompréhensible. Toutefois, vous allez rire — riez—, j’ai reconnu le mot “majuscule”. Elle doit me dicter mes billets, vu que je suis son nègre.
Cette nuit, elle a beaucoup cauchemardé. Des infirmières étaient tapies derrière la porte et entre le mur et le miroir. C’est puéril une infirmière !
Sa voix est claire à nouveau. Elle avait été intubée pendant l’opération. Ses cheveux sont secs comme jamais. Je les ai démêlés quand elle s’apprêtait à boire un thé (sans citron, hélas). Son dernier shampoing était à la bétadine ! Elle ressemble à une lionne (enfin à un lion, puisque c’est le mâle qui porte la crinière). Elle a quand même mangé un des macarons (rassurez-vous, ce n’est pas le menu de la clinique) que je lui ai apportés. Mais elle ne fait guère honneur aux repas. Son estomac refuse la nourriture pour l’instant.
Son cœur bat à 110 et sa tension est de 11/6. 110, c’est beaucoup. Quand je l’embrasse, le pouls ne monte même pas à 150. Un effet secondaire de la morphine des premiers jours.
Elle commence à s’ennuyer. C’est bon signe. Demain on va certainement jouer à quelques jeux de société et de réflexion qu’elle affectionne. Si je la bats, ce sera un autre effet secondaire de la morphine. Un bénéfique, pour une fois.
Je poste ça et me réserve le droit de revenir corriger telle ou telle phrase.