La barbe !
Au supermarché, dans la file d’attente de la caisse 2, madame Ésope lève la tête, marque un temps d’arrêt et me reconnaît. Nous nous saluons.
— J’ai eu un doute, me dit-elle, et elle ajoute, en frottant ses joues de la main, il y a eu des changements.
Des changements ?
J’interprète son geste — et vous le comprenez bien ainsi — comme le signe que depuis l’époque où nous nous fréquentions, j’aurais laissé poussé ma barbe. Or, sauf à de très très rares exceptions, et très courtes à chaque fois, j’ai toujours porté barbe et moustache. En revanche, cet après-midi, mon crâne chauve était couvert d’un seyant — c’est moi qui le dis — bonnet noir. Bonnet que je n’arborais pas du temps où les circonstances amenaient madame Ésope et moi à nous croiser cinq à six fois l’an. Mais elle n’a pas caressé son crâne — qu’elle a fort joli d’ailleurs — elle a caressé ses joues !
Si elle avait voulu signifier que j’avais blanchi, n’aurait-elle pas plutôt… hé, c’est vrai, ça, comment marquer d’un geste que son interlocuteur a blanchi ?