En effet
Il aura ôté cent brins de muguet au jardinet, les aura enveloppés d’un papier cristal, aura trempé les hampes aux treize clochettes dans un mouchoir absorbant noyé de rosée...
Il aura parcouru les cent et vingt et trois kilomètres, les aura vu défiler au compteur de la voiture, aura humé tout au long du trajet les fragrances du muguet carillonnant empaqueté de cristal...
Il aura rangé son lent véhicule entre deux lignes blanches, l’aura fermé d’une sèche poussée du pied droit, aura gravi quatre à quatre les marches des étages, deuxième s’il vous plait, sans ascenseur, c’est bon pour le cœur...
Il aura soigné son apparence, choisi une chemise noire, l’aura repassée de frais sans la parfumer, aura tendu le bouquet dans la porte entrebâillée de la chambre deux cent et trente et quatre encore...
pour s’entendre dire : “Petit homme tu me manquais, je t’attendais, l’odeur du muguet t’as précédé, c’est bon de te voir et de t’étreindre en vrai...”
J’aurais cueilli trois tulipes au jardinet, les aurais enveloppées d’un papier journal, aurais plongé les tiges des fleurettes dans un vase fait d’une bouteille découpée, l’effet aurait été le même :
Elle m’aurait dit que je lui manquais, qu’elle m’attendait, que mon bouquet avait été signalé, que c’était bon de me voir et de m’étreindre en vrai...