Thé DCLXXXII
Il a bien profité le petit !
Oui !
Toutes les plantes d’extérieur se préparent à passer l’hiver, lui, bien vert, fait éclater ses bourgeons floraux. C’est décidé, il fêtera Noël dehors ; son pied est solidement ancré dans la terre de bruyère, le rentrer dans la serre — ah, Mon Petit chéri, tu l’aurais donc bâtie, cette serre dont je rêve ? Rêve, rêve, Épouse-Sans-Serre-Mais-Sincère, rêver c’est bon pour la croissance — lui provoquerait un choc thermique funeste.
Fleurit en novembre me souffle une amie passionnée. Novembre, nous y sommes. Petit théier géorgien possède bien les gènes de son papa. Au pire, s’il gelait fort, je le couvrirais d’un épais manteau de feuilles soigneusement remisées pour l’occasion. Au plus heureux, s’il neigeait, je photographierais les belles corolles enfloconnées.
Je l’imagine, dans cinq ans, dépassant d’une tête celle de mon épouse. Une feuille s’en détacherait et tomberait, impériale, dans un bol d’eau chaude qu’opportunément j’aurais laissé tiédir sous sa ramure.
Je m’émerveillerais de la couleur donnée au breuvage et, Samson moderne, sentant repousser ma toison sous les bienfaits de l’infusion, je m’écrirais : “Ma fortune est faite.”
Toutes les abeilles sont présentement au chaud en leurs ruches respectives, c’est dommage. Ni mouche ni papillon ne se pressent à butiner les étamines gorgées de pollen. Restent bien merle et merlette, mais je les vois plus affairés à guetter les vers imprudents qu’à vouloir suppléer les insectes pollinisateurs défaillants.
A défaut de vous le donner à boire je vous le prête à voir. Voilà longtemps que je n’avais entretenu personne de ma passion jardinière. Pensiez-vous que j’avais abandonné aux herbes folles le pouvoir sur le jardinet. Nenni, nenni, je compte, ce soir, mes plaies du jour : une longue épine de rosier au creux de la paume droite, une entaille chirurgicale qu’un silex tranchant m’a donnée au pouce me brûle et l’ongle de mon index droit, décidément la droite paie un lourd tribut aux tâches automnales d’entretien, noircit — une lourde pierre l’ayant odieusement percuté lors d’une manœuvre que je savais être périlleuse, mais voilà le prix à payer à qui néglige de porter des gants quand il a la peau tendre —.
Allons, foin des jérémiades, place à l’image :