Où l'on apprend pourquoi, ce dimanche, Joye (Iowa, USA) nous a fait manger froid, Mamoune et moi
Joye, voyez-vous, est une charmante personne. Outre qu’elle s’exprime dans la langue de Voltaire et Jean-Marie Bigard sans plus d’accent que vous et moi, voire encore moins, qu’elle s’autorise à jouer avec les mots avec plus de maestria qu’un aréopage d’étudiants en cinquième année de lettres modernes, qu’elle baisse les yeux timidement devant les compliments et qu’elle rosit comme seules le firent, jadis, les demoiselles peintes par Puvis de Chavannes, elle offre le bon goût de diriger le faisceau du phare tenu à bout de bras par la statue de Bartholdi et Gustave Eiffel réunis, sur de petites miettes de terre de France qui lui agréent.
Vous iriez chez elle, certains y logent déjà, que vous découvririez, sous la lumière de son projecteur un petit blog tout noir avec de tout petits dessins en couleurs. Tout noir, mais même pas peur, j’ai cliqué et — j’avoue la ficelle est grosse — la lumière s’est faite. En plus de ses qualités énumérées plus haut — quoi, c’est tout ce que tu as trouvé ? c’est chiche !— la voilà devenue entremetteuse, notre Joye amie. En tout bien tout honneur !
La jeune personne qui œuvre en ce petit blog tout noir, ainsi mise à l’index du phare, publie, à l’étourdie, des photographies sorties d’un carton à chaussures —Joye, en France, les photographies aiment à se reposer au fond des cartons à chaussures, c’est une alliance de longue date — du temps où elle appelait sa maman : Maman.
Choc ! J’ai connu sa mère, à ce petit Coq du temps qu’elle était poulette. Coq est son pseudo, du moins est-ce ce que j’ai cru saisir. Il me semble que les pseudos, en son noir petit blog, s’avalanchent et se télésiègent.
Moi, derechef, je lui ponds, au petit Coq, un poulet pour lui exprimer ma joye à revoir toujours aussi jeune l’amie d’Épouse-Alors-Jeune-Et-Svelte. Cascade, avalanches, ricochets, ébahissement. Le Coq appelle sa mère qui confirme. Le Coq n’a plus de souvenirs de nos rencontres, espacées certes, mais renouvelées.
Épouse-Prompte-A-Saisir-Les-Opportunités retrouve illico — demandez, demandez !— le matricule de la mère du volatile et veut avec elle s’extasier sur la cascade de coïncidences — je confirme COQ, que coïncidence prend toujours un tréma sur le i, voyez si je vous ai lue avec attention — hélas, trois fois hélas, la mère de l’oiseau ne rentre plus au poulailler avec la même rigueur qu’aux temps des couches et des biberons. Qu’à cela ne tienne, Épouse-Jamais-Prise-Au-Dépourvu s’autorise à laisser un message sur le répondeur téléphonique.
Et c’est ainsi, Joye, qu’à cause de vous, dimanche midi, nous avons mangé froid. Le téléphone tintinnabule vers 13 h 30 — oui, Joye, notre modèle à nous tintinnabule, n’en cherchez pas d’autres, c’est un prototype — et, comme la maman de Coq est bien élevée, elle s’informe :
— Je ne vous dérange pas ?
— Nous ? Non ! Au contraire.
Bon, le jarret d’agneau aux pêches, lui, on ne lui a pas demandé son avis.
Ah ! Coq, que je vous dise : La voix de votre maman est la plus musicale que j’aie jamais entendue !
Si vous n’en avez hérité que du tiers, qu’un emploi de sirène en Charybde ou Scylla se libère, postulez, vous aurez et le poste et la gloire ! Et si l’endroit vous paraissait trop sombre, demandez à Joye, elle vous éclairerait.