Pour les rares qui ignoreraient encore l'adresse des défis du samedi
Onma souvent demande, quels que soient l’heure, le lieu, le jour.
Onma n’ouvre la bouche que pour demander.
Onma se sait rien, ignore tout, Onma enivre son entourage de mille questions sur la vie, la mort, le pourquoi, le comment, le et puis, et alors, et encore...
Onma ignore qu’elle joue avec les nerfs de son papa un peu bas de plafond. Ce n’est pas grave. Onma fait ses apprentissages, son apprentissage. Onma grandit, se forme.
Approchons-nous :
— Papa, pourquoi je n’ai pas de petite sœur ? Pourquoi Fatima, elle a trois sœurs et aussi les jumeaux ? Pourquoi, papa ? Hein, papa, pourquoi, tu as vendu mes affaires, de quand j’avais cinq ans, au vide-grenier ? Hein, dis papa ?
Notez que le narrateur vous offre une version raccourcie des propos instigateurs de la fillette. Marie-Chantal officie en cuisine — le fraisier exige encore quelques soins — disons que le papa lit son quotidien en suivant distraitement les infos sur R.T.L. Le narrateur conciliant vous accorde, s’il vous enchante de le croire, une version avec tube cathodique et programmes idoines sur vilain papier au chlore. Le papa, distraitement pique de sa fourchette les ultimes nuggets du plat refroidi — pour une version plus culinaire, le papa picorerait les derniers farcis au basilic —.
— Papa,
pourquoi toi et maman vous dormez dans des lits jumeaux ? Hein, dis
papa ? Pourquoi pas dans un grand lit comme les parents de Fatima ?
La gifle est partie. Onma tombe de sa chaise et hurle. Sa maman quitte la cuisine. Elle essuie ses mains sur son tablier :
— Suzon-Marie, va finir tes pleurs dans ta chambre. Mon amour, je ne critique pas ton geste, certainement Suzon-Marie a voulu sa sanction mais tu aurais pu poser ta fourchette avant de gifler notre fille.
— Pourquoi ? Tu n’en as pas d’autres ?
Chers lecteurs, permettez que nous laissions ces deux adultes consentants arranger ensemble leur divergence familiale. Remarquez seulement que votre serviteur a voulu marcher dans les pas de Janeczka.
Mon
histoire respecte la consigne de notre amie insulaire et notez l’effort
que je fis pour lui montrer qu’on pouvait se passer des lettres qu’un
accent couronne tout en usant d’une orthographe rigoureusement loyale
au dictionnaire.
Je
remercie Aude (laquelle ne se doute de rien) pour l’inspiration du
billet et je maudis cette douleur dans la nuque qui me tint lucide au
mitan de la nuit, laissant germer cette ineptie que, faute de texte
plus abouti, je publie ce matin.
Je
rappelle ici cette maxime : Tout homme, ayant atteint cinquante ans et
plus, qui quitte le lit au matin et ne ressent aucune douleur doit se
persuader qu’il est mort !