A quelle heure la diligence pour les états de Bretagne ?
Elle voit ces deux grandes enveloppes brunes sous mon bras et m’interroge :
— C’est pour des affranchissements ?
— ¿ Qué más ? rétorqué-je, haussant les épaules.
La préposée me désigne un nouvel automate esquiché entre la photocopieuse et le présentoir des cartes de vœux humoristico-touristiques. Une lueur d’incompréhension m’échappe : la dame se lève, quitte son guichet et, s’excusant :
— Les affranchissements, moi, je ne peux plus, je vais vous montrer.
Écran tactile, balance, fente — l‘appareil n‘accepte pas les billets mais il délivre outre la vignette dûment renseignée la monnaie de vos pièces — la leçon est vite apprise.
— Je n’ai qu’un billet de vingt.
— Je peux vous donner ce qu’il faut — donner ? disons échanger !
La dame regagne sa chaise et — ne me demandez pas comment — transforme mon billet bleu en rondelles métalliques.
Déjà que pas très gai, voilà que ça me retourne de contribuer à cette évolution du service public. J’entrevois le jour où la poste ne sera plus qu’un hall empli d’automates et la dame qui tendra sa sébile devant la porte sera celle-là même qui m’en aura enseigné l’usage, et je jure qu’elle en a conscience, contrainte qu’elle est de devoir conduire à son prochain licenciement en instruisant les clients de l’art de pouvoir se passer de ses services.