Bonne nuit
Je n’aime pas faire de mes rêves le sujet de mes billets tant du soir que du matin. D’abord parce que mes rêves surviennent assez généralement pendant mon sommeil et que ce dernier est profond. Si profond que, pareil à un trou noir, il ne laisse pas échapper la moindre parcelle de lumière — pour autant que mes rêves soient lumineux —.
En revanche, je suis forcé — enfin, uniquement parce que je le veux bien — d’admettre qu’il m’est arrivé de tenter de parachever un rêve interrompu ; à la main, dirais-je, si l’expression plaquée ici, pouvait signifier quelque chose.
Quel gâchis !
D’un rêve que mon docteur, s’il en avait l’occasion, qualifierait d’aérien et subtil et gracieux, je n’ai jamais obtenu autre résultat qu’une pâte gluante et épaisse et nauséabonde.
Je ne sais pas achever un rêve.
Le résultat est comme ce célèbre tableau de maître, laissé inachevé pour cause de mort subite dudit maître et poursuivi par son fils qui, heureusement pour lui et malheureusement pour la postérité de son papa, n’avait que cinq ans au moment où il entreprit de succéder à son géniteur.
Au moins sais-je comment produire de la glaise. A ma mort, mes enfants disposeront d’un important tas de boue duquel, si l’un d’entre eux se sent l’âme potière, sortira le mausolée qu’il leur plaira de m’ériger.
Mais, Épouse-Par-Ses-Activités-Retenue ne supporte pas que j’évoque certaine date ultime. Je vais aller me coucher et si d’aventure elle rentrait alors que, paradoxalement, mon cerveau froid était en ébullition, elle pourrait m’arracher une bribe de la merveille sculptée par mon inconscient si âpre à receler ses créations nocturnes.