Vous rêviez d'être petite souris ? C'est fait !
J’entretiens un rapport, que je juge curieux, avec mes textes de fiction. Premièrement, je n’en rédige guère. L’essentiel de mes écrits constitue en un léger travestissement de la réalité. De ma réalité.
Je commets, parfois, quelques rébus ou devinettes qui ne sont que récréations au demeurant fort réjouissantes. Ce que doivent être des récréations. Je me laisse également aller à de doux délires, mais seulement quand je suis fatigué et qu’un lâcher de vapeur soulage la pression interne de l’organe comprimé.
Aux œuvres (pardon, textes !) de fiction, je ne me frotte guère. Non que je veuille faire de ma modeste existence le centre du monde mais la matière première se trouve au pied de mon lit. Je n’ai qu’à me baisser pour y puiser mon inspiration.
Aujourd’hui, j’ai sacrifié ma pause déjeuner à l’écriture d’une fiction pour les défis du samedi. Je la portais depuis quelques jours. Je n’y pensais pas en proposant ma consigne la semaine dernière. Des héros qui ne logent pas au sein de la maison jaune. Un univers qui n’est pas le mien.
Que je vous dise.
Quand j’achève une papistacherie — ou jadis, quand j’écrivais un thé matutinal — je relis, certes, le texte pour y chasser coquilles et maladresses, mais guère plus. Parfois, à la demande de Mamoune, dois-je — mais c’est un plaisir — donner une lecture à voix haute.
En revanche, un texte de fiction, je le relis cent fois. Je le polis, comme mon ancêtre le silex sur une pierre de grés tendre. Je le tourne dans ma bouche. Je l’écoute. Je le pèse. Je l’interroge du regard. Je le palpe. Je le tâte. Je change un verbe. Je le replace, le déplace. J’oublie le texte. Mes occupations me reprennent. J’y reviens. Je le remets à plat. Je l’éclate, le morcèle, le recouds, le répare.
C’est fatigant !
Mais plaisant !
Quand le texte est publié, je le découvre à nouveau. Je le reconnais. Il est devenu une part de mon histoire. Je le traite désormais comme une papistacherie ou une défunte chronique autour d’un bol de thé. Il sombre dans l’oubli, ou plutôt il devient un élément constitutif de mon être.
Au fond, je suis un peu comme mon ancêtre alchimiste, je transmute la sueur en briques.