Rose et vert
Hmmmph ! Hmmmph ! Hmmmph !
J’ai le souffle court.
J’arrive juste. Je suis rendu !
Tôt levé ! Tard rentré !
Ce que je sens ?
L’herbe !
J’aurais pu me rouler dessus.
Non !
Je viens de toiletter le jardinet.
— Lave-toi les mains, me lance Grisette.
— Je laverai le clavier ! Des mains si vertes ne vont que m’inspirer un billet champêtre de bon aloi.
Après ces jours de pluie et avant un week-end de fastidieuses paperasses, je me devais de profiter du relatif beau temps pour peigner pelouse et parterres.
Je n’ai pas trouvé d’onomatopées pour traduire cette gêne intercostale, elle est inodore, mais qu’est-ce que je la sens, moi.
Doigts verts, ongles verts, paumes vertes... le tout sur fond rose.
Vert et rose. Couleur des hortensias. J’ai des mains hortensias !
Je les regarde mes mains. Ce sont des mains_sales !
Les sillons qui les parcourent sont de roses allées sur lesquelles cheminent ma vie, mes amours, ma santé.
Ligne de vie ?
Ligne de vie !
J’ai fini par les laver, mes mains.
Mes mains sales !
Avec un savon vert, à l’huile d’olives.
Ne reste plus que le rose. De belles mains roses.
Enfin ! Belles ?
Si !
J’aime bien mes mains roses et vertes. Même si tout le vert est parti en tourbillonnant dans le lavabo.
Elle sentent bon maintenant.
Tout à l’heure également.
Maintenant le savon, tout à l’heure l’herbe coupée.
J’aime bien mes mains.
Dans la gauche, quand elle est propre — quand elle est sale aussi, mais je ne la montre pas, ou à vous seulement— je lis un grand M majuscule pour Mamoune — son vrai prénom commence par un M majuscule — dans la droite, tout pareil, un M symétrique et majuscule.
Et dans les siennes ? Je n’ai jamais pensé à lui demander si un P majuscule — un minuscule me satisferait tout autant — s’y cachait.
Ça pourrait constituer l’occupation du week-end qui me délasserait de mes obligations scribouillardes !
Je vais lui en toucher deux mots.
On aura l’air malin, avec nos lunettes, à rechercher des indices signifiant que nous serions, peut-être, faits l’un pour l’autre !
Et si nous ne trouvons rien, nous pourrons toujours graver, de la pointe de l’Opinel, un cœur avec un M et un P enlacés.
Pas au creux de nos mains !
Vous avez de ces idées.
Sur le tronc du figuier, ou un tout petit, à la base d’une fleur de courgette.
Nous aviserons !