Un nez rouge sur mon bureau rond un nez de clown sur mon bureau enfin, sur une enveloppe de papier kraft elle-même posée sur un petit paquet de feuilles imprimées voici un mois et en attente d’être lues un nez rouge appuyé à un pot de yaourt en verre rempli de trombones et agrafes sur le dessus duquel un stylo bille en métal vert émeraude côtoie un gros feutre orange made in Japan à ma main droite, entre le clavier de l’ordinateur et l’imprimante qu’un classeur noir ouvert en son milieu couvre et protège de la poussière un crochet de brodeuse en cuivre blond traverse le nez d’une narine à l’autre et l’empêche de rouler l’ombre du crochet, projetée par la lampe de bureau, pointe le chiffre 8 du code postal rédigé sur l’enveloppe le fil de la souris, blanc, serpente sur le plateau du bureau et l’un de ses méandres vient mordre le coin inférieur gauche de ce courrier dont je viens de parler déjà deux fois avant celle-ci un autre de ses méandres se glisse sous une demi-feuille de papier machine couverte de nombres : 2, 59, 57, 23, 24, 163, 59, 60, 39, 39, 94 une accolade relie les nombres 57 et 23 tandis qu’un trait énergique biffe les deux 39 le chiffre 2 esseulé est écrit plus petit que les nombres précédemment nommés les 2 sont joliment dessinés, mais pas les 5 qui ressemblent à des vermicelles trop cuits la demi-feuille est posée en équilibre sur un plumier de bois cuirassé de cuivre le mot plumier se lit en façade les lettres I, E et R sont masquées par la demi-feuille, le M à demi seulement le couvercle du plumier relevé montre une page arrachée à un petit carnet à spirale et proprement scotchée en haut et en bas mais ni à gauche ni à droite on y lit les horaires d’ouverture de la bibliothèque municipale en 1998 le plumier n’est pas éclairé par le faisceau de la lampe peut-être un peu les lettres P et L je jette un œil c’est exact, je confirme les trombones brillent ils captent la lumière le nez rouge rutile j’oubliais un couteau, noir de manche comme de lame, affûté comme un rasoir pour tailler les crayons à papier en pointe, caché dans l’ombre que lance un haut pot à crayons peint en jaune et vert et décoré de traces brunes laissées par des feuilles de bouleau enduites de peinture et pressées sur le fond bicolore par la seconde de mes filles en 1987 mes mains aux rides soulignées par la lumière crue qui tombe de trente centimètres à peine et ce nez rouge sur ma droite la souris est verte blanche aux endroits où la peinture est usée par les frottements du pouce et de l’index du majeur aussi mais pour la voir, cette usure, il faudrait soulever la souris et la tourner un peu qui aurait envie de faire ça ?