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Papistacheries
16 mars 2013

Sorcellerie

Voici quelques années, au bord d’une départementale qui mène au chef-lieu du département, une petite maison s’est construite. Petite. Une maison de poche. Quatre murs, une porte d’entrée flanquée d’une fenêtre à droite. Pas de garage, pas d’étage. Aucun aménagement extérieur, pas de terrasse, pas d’allée, pas de jardinet. Une maison posée dans un champ un peu en retrait de la route. Sans charme, sans grâce.

C’est plus fort qu’elle, Épouse-Aux-Yeux-Vifs, à chacune de nos transhumances, ne peut s’empêcher de lancer :
— Oh, cette maison, comme elle est petite !
Et moi, j’ai mis du temps à réaliser, mais c’est indubitable, à chacun de  nos passages, la maison rétrécit. De peu, c’est ce qui explique ma lenteur à me rendre à l’évidence.

Depuis, tous mes sens sont en éveil à l’approche de la courbe derrière laquelle la maison a poussé.  Et ce que j’ai découvert me glace : c’est la phrase prononcée par Épouse-Incisive, à peine lâchée, qui réduit les dimensions de l’habitation. Néglige-t-on de nous rendre au chef-lieu, la maison ne bouge pas d’un pouce ; y allons-nous trois fois dans le mois, elle fond.

Ce qui m’effraie n’est pas tant le destin du modeste logis — il n’a jamais été occupé — c’est plutôt que, depuis quelques temps, Épouse-Langue-Agile s‘autorise, à mon égard, quelques apostrophes fantaisies — sans doute se lasse-t-elle de m’appeler sempiternellement « mon amour », « mon tout doux », « mon chéri » et autres « mon  Papistachounet » et « mon cœur ». Il m’a semblé que se glissaient, parmi ces douces apostrophes, quelques « mon vieux » ou « Grand-Père » voire « mon petit homme ».

Aussi, ai-je pris la peine de scruter le miroir de l’entrée, et je vous assure que les prophéties se réalisent : mon visage se ride, mes oreilles s’allongent, mon nez s’épate et mes sourcils se hérissent. Tous les matins, je marque ma taille, d’un trait au crayon, sur le chambranle de la porte de la salle de bain. Oh, je n’ai pas encore perdu beaucoup, quelques millimètres, moins d’un centimètre, mais, je me ratatine, c’est un fait.

Son pouvoir est exorbitant. Je n’ose rien lui dire, j’ai peur que, prise d’une furie exponentielle, Épouse-Aveuglée-par-Son-Amour, ne me qualifie plus que « mon étalon », « lumière de ma vie » ou « vibrant époux ». J’ai passé l’âge de cabrioler dans la rosée du matin.

Par pitié, ne lui dites pas que j’ai écrit ce billet, ni, si vous habitez loin, ne vous avisez de lui passer un coup de fil. Entre mes deux craintes, je préfère encore la première, et je puis encore agir en douceur en lui suggérant que j’aime bien quand elle me susurre « mon grand » en m’ouvrant ses bras.

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Commentaires
W
Voilà ce que c'est d'épouser une Mamougicienne !
S
;-D Vous êtes impayable vous, alors !! Et c'est n GRAND compliment !!Enfin de ma part, ça rapetisse toujours les choses la précision ou la relativisation, je sais bien ;-)
V
Ça, c'est drôle. <br /> <br /> Et puis c'est mignon. <br /> <br /> A l’ancienne, tiens!
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