Et dans la vraie vie, il fait quoi de ses journées, l'ancêtre ?
Mon épouse est toujours en activité. Professionnelle, j’entends. Sinon, en activité, elle est comme un certain piton du même nom : toujours en fournaise. Elle exerce le même métier que celui que j’ai abandonné. Elle aime que, occasionnellement, je lui prête la main. Je le fais avec bonheur depuis septembre.
Ses élèves sont plus jeunes que ceux qui me supportaient ces dernières années. J’ai glané, pendant plus de vingt ans, au début de ma carrière, une chaude provision de souvenirs auprès d’enfants de cet âge. Six, sept ans. La première classe de la grande école.
Jeudi dernier, les bibliothécaires de la ville voisine proposaient une animation autour du travail d’une illustratrice d’albums : Cécile Hudrisier. Aline, la responsable de la médiathèque, nous a même soufflé à l’oreille, quand nous prenions congé, que la demoiselle — elle a l’âge de mes filles, elle me pardonnera ma familiarité — tenait un délicieux blog intitulé Les Chosettes. Son œil a brillé en nous lâchant la confidence. Et, surprise, deux clics me révèlent que nous partageons, les chosettes et moi, le même hébergeur. C’est comme si nous étions voisins !
Mais bien sûr que je partage le lien. leschosettes.canalblog.com
— Aujourd’hui, on ne quitte pas les chaussures, annonce Catherine.
Quatre ateliers sont prévus. Catherine présente l’artiste, son âge, son travail, ses études…
— ... Cécile est diplômée en arts plastiques et…
Là, la conférencière arrête son discours et interroge :
— Savez-vous tous ce que sont les arts plastiques ?
Quarante-huit yeux se braquent alors sur moi qui me tenais en retrait, sur une chaise, quand tout le monde se serrait sur les tapis et coussins, et :
— Oh, ouiii ! On en fait tous les jeudis (dans l’émotion, les bambins se sont un peu emmêlé les pinceaux — arts plastiques oblige — puisque c’est vendredi qu’ils auraient dû dire) avec M. Papistache.
La maîtresse ? Oubliée. Néantisée. « On en fait tous les jeudis (vendredis) avec M. Papistache. » Alors, qu’en fait, je ne suis que le collaborateur, zélé mais collaborateur seulement, du projet élaboré par leur digne professeur des écoles. Mais, c’est ainsi, les enfants m’associent à l’activité, qui, reconnaissons-le, est une de celles qui leur ouvre le mieux l’esprit en privilégiant création, technique et imagination.
L’an prochain, quand ils auront accédé à la classe supérieure, sans doute me chercheront-ils du regard au fond de la salle quand leur nouveau maître annoncera arts plastiques. Ils s’adapteront. Les enfants ont une merveilleuse faculté pour cela, mais, peut-être conserveront-ils toujours dans un pli de leur mémoire la douceur de nos séances artistiques conjointes à Epouse-Bouillonnante et moi.
— M. Papistache, je n’arrive pas à découper la patte de la pintade.
— M. Papistache, je n’ai plus de peinture blanche.
— M. Papistache, Raphaël a fait tomber de la colle sur mon cartable.
— M. Papistache, j’ai fini, tu peux me donner une autre feuille ?
— M. Papistache, tiens, c’est pour toi.
J’aurais volontiers poursuivi ma narration, mais, je suis en voie d’être débordé. Mon fan club me réclame. Une autre fois.
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