Brouillard
Brouillard. Épais. A couper au couteau, lit-on souvent. Qui le premier eut envie de se tailler une tranche de brouillard ? Et pour quel usage ?
Je roule dans le brouillard. Le jour n’est pas levé. La clim, dans la voiture, donne une température confortable. Le thermomètre affiche 1° C à l’extérieur. Je connais la route.
Je me souviens d’une route de campagne dans le Massif central. Mêmes conditions, sinon qu’aucun des trois occupants du véhicule n’avait jamais emprunté l’itinéraire, que le chauffage ne fonctionnait pas et que nulle bande blanche axiale ou latérale ne balisait le bitume. L’un de nous avait quitté la voiture et ouvrait le chemin. Nous avions peur de quitter la chaussée et de chuter en contrebas de la départementale. Finalement, nous avons pris la décision d’attendre que le jour se lève. Nous avions roulé toute la nuit après notre journée de travail. Un collègue se mariait au Puy-en-Velay. Celui-là même qui trouva la mort deux semaines plus tard, précisément au volant de cette voiture bleue, un nouveau petit matin de brumes épaisses alors qu’avec sa jeune épouse il revenait du mariage d’un autre, que je connaissais moins et qui ne m’avait pas invité.
Le brouillard du matin m’enveloppe de son molleton épais et, comme souvent, me ramène à cette époque.