Où l'inspiration se cherche et se trouve sous le pas d'un cheval
Décidément les temps sont durs : le mur s’effrite, le miroir perd son tain et ma chaussette se troue.
Ma ?
Une de mes, plutôt !
N’ai-je pas deux pieds encore ?
Une de mes ? en mars !
Fameuse jument, au demeurant, que cette Une de Mai. Comment expliquer sa présence en cette papistacherie consacrée au trou dont se pare désormais une de mes chaussettes ? Un seul point commun, ténu, autour du verbe trotter ? Car, si ma chaussette s’est percée, serait-ce que j’aurais abusé du trot ?
Trouée !
Ah, les chaussettes de mon enfance au bout desquelles germaient régulièrement de blancs oignons ou de pâles pommes de terre. Ma mère ravaudait patiemment. Chefs-d’œuvre de patients entrecroisements au coton à repriser que les frottements répétés de l‘orteil contre le cuir d’une chaussure trop petite condamnaient à de nouveau laisser saillir tubercules ou bulbes en perpétuelle croissance.
Celle-ci qui m‘intéresse, ce matin, n’est point trouée en son extrémité, ni même usée par une tige trop rigide et un contrefort sévère au long du tendon d’Achille comme longtemps j’eus à supporter, non, c’est le talon qui bâille.
Qui trotte sur les talons ? Personne.
C’était, pourtant, une maîtresse chaussette, douillette et renforcée aux points stratégiques ; elle a cédé où la garnison ne s’y attendait pas.
Il est passé le temps de l’aiguille à repriser. La chaussette, et tant qu’à y faire, la paire entière, va me précéder au cimetière.
D’aucuns, amputés d’un membre — mais pas de leur humour —, ne s’avisaient-ils pas, en temps de guerre, de plaisanter sur leur pied déjà dans la tombe ? Votre serviteur y aura placé, en avant-garde, ses chaussettes.
Qu’elles soient trouées ne nuira pas à la combustion du corps, au contraire ! L’air circulera mieux et, considérant le prix où risque de grimper le pétrole — voire le gaz, mais les factures ne galopent-elles pas de concert — au jour de la crémation, toute économie sera bonne à réaliser : mon héritage n'en aura que plus d'allure.