Je ne suis pas...
Je ne suis pas un saint.
Louis IX l’était (le devint) ; sous un chêne, il rendait la justice.
Mon banc de pierre est à l’aplomb du pêcher.
Verrait-on un saint rendre la justice à l’ombre d’un péché ?
Je ne suis pas un saint.
Cette nuit, j’ai rêvé qu’un don me tombait du ciel : guérisseur universel !
Je me gelais les fesses sur la pierre glacée du banc que le pêcher surplombe.
C’est douloureux ; certes le froid soulage les hémorroïdes mais il glace les viscères : la file d’attente des désespérés s’allongeait.
Je ne suis pas un saint.
J’ai vu les charters déposer leurs impressionnantes cohortes de miséreux dans ma rue.
J’ai vu se multiplier les Thénardier et leurs échoppes branlantes.
Les pèlerins comme sauterelles au Maghreb ont dévasté mon jardinet, chacun brandissait sa maigre relique : jusqu’au dernier rhizome de muguet.
Je ne suis pas un saint.
J’ai coupé court ; j’ai achevé mon rêve, me suis levé et ai entrouvert les volets : la rue était déserte.
Me recouchant, j’ai touché Épouse-Endormie de la jambe ; elle s’est tournée sur le côté ; j’ai passé ma main le long de son dos ; il m’a semblé qu’elle ronronnait ; j’ai fini d’user et l’étoffe de son pyjama et les dernières bribes de mon pouvoir. Je ne suis pas un saint : j’essaie juste d’être un homme à peu près bien.