Paraître
Samedi, les forces vives du canton unissaient leurs énergies, sous la houlette du syndicat d’initiatives, pour fêter la pomme et le chocolat. Chaque année, Perche oblige, la pomme est à l’honneur, tantôt associée au pain, au cochon, aux cucurbitacées... cette année, au chocolat.
Épouse-Friande-De-Contacts-Humains me traîne à la manifestation. De pommes pas plus que de chocolats nous ne pûmes goûter. Épouse-A-Mon-Bras est populaire. Chacun s’enquiert de sa santé qu’il a sue chancelante.
Et Épouse-En-Chantier d’annoncer son retour à la case billard le 11 novembre au soir. La consternation se lit sur les visages. L’interlocuteur est gêné, il marque une pause ; les mots lui restent dans la gorge. Croyez-vous que c’est à nous, Épouse-Sur-Le-Départ et moi, qu’il revient de remonter le moral aux gracieux qui croyaient leur pauvre amie sortie de l’auberge.
Épouse-A-Mon-Bras aime ces contacts humains. Elle a jeté l’affliction en plus d’un lieu ; moi, dans mes souliers trop étroits, moi, dont la tête bruissait également d’autres soucis, j’ai joué mon rôle de consolateur à son côté. De retour entre nos murs, je lui ai dit combien l’épreuve m’avait paru difficile. Elle m’a souri en m’assurant que j’avais été très bien et que personne n’avait dû soupçonner mon malaise.
Je vous sers un curieux billet éloigné, fort éloigné, de celui que je voulais poser ce matin. Je voulais vous entretenir d’un rêve où, miracle de la technologie androïque (pour autant que vous me permettiez d’user du barbarisme), Épouse-Miraculée se voyait dotée d’un squelette en carbone, de muscles de synthèse et de peau artificielle. Un simple transfert de données avait réussi à faire migrer son âme dans un corps inaltérable, dessiné sur ses propres directives, par un artiste de génie.
Que voulez-vous, notre destin nous échappe, le mien glisse entre mes doigts gourds et malhabiles. Je compte sur votre indulgence pour vous satisfaire de ce maigre court-métrage ; les producteurs ont refusé de financer le film de science-fiction que je ne vous projetterai jamais, ni en privé ni en public.