Le Bourgeois Gentilhôme *
Il se donnait, hier, en notre village de 3500 âmes — probablement de la plus pure à la très blanche — une représentation théâtrale d’exception ; bien que nous fussions un mardi, dès 20 h 30, la salle des fêtes se trouvait à demi-remplie — que le spectacle fût gratuit ne devait pas être étranger à la chose — ; les mauvaises langues pourraient argüer que les familles respectives des comédiens, musiciens et chanteurs devaient bien posséder la moitié du nombre des derrières que les fauteuils supportaient ; comédiens, musiciens, chanteurs, car c’était la comédie-ballet de Molière et Jean-Baptiste Lully, le Bourgeois Gentilhôme *, que la petite scène de 27 m² allait s’enorgueillir de recevoir.
27 m², c’est beaucoup quand ce n’est planté que de framboisiers et qu’ils donnent tous en même temps, mais pour loger cinquante (oui, 50 !) artistes, on en mesure toute l’exigüité, aussi les musiciens, équipés de copies d’instruments anciens — lesquels jouent, chacun sait, un demi-ton plus bas que les modernes— furent-ils installés devant la scène : ce fut baroque.
Des chanteurs, des danseurs — mignonnes petites souris très concentrées— des comédiens amateurs — au moins douze — nous ont diverti pendant deux heures (enfin, ceux d’entre nous qui ne quittèrent pas dix fois la salle pour aller consulter leur téléphone portable sur les marches du temple... au moins revinrent-ils autant de fois à en juger par les claquements de portes incessants ; retenir une porte ne doit plus être enseigné de nos jours au collège ; mais que fait l’éducation nationale ?).
La comédie-ballet ne fut pas jouée intégralement : le programme annonçait “fragments” ; les 2 et 9 octobre prochains, les villes de Lucé et Chartres accueilleront le spectacle à leur tour ; néanmoins, cette générale permit à Épouse-A-Mon-Bras d’effectuer sa première sortie depuis son opération ; elle vit du monde, s’amusa et ne souffrit point trop du légendaire inconfort des fauteuils ; certes, la représentation ne fut pas toute à la hauteur de la performance des musiciens : de grandes inégalités se firent jour dans le jeu des comédiens, les costumes n’étaient pas tous d’égale facture et le metteur en scène n’avait pas gâté certains interprètes en ne leur donnant pas d’instructions sur l’art d’occuper leurs bras, mais... nous révisâmes de bon cœur l’art de faire des a et des u et, rien que pour cela, notre soirée ne fut pas gâchée.
J’ai été dur pour les ados au fessier vite meurtri par les sièges articulés, à la fin du spectacle, comme un seul homme, ils se levèrent et firent une standing ovation aux artistes. Comment auraient-ils réagi s’ils avaient suivi l’intégralité du spectacle** ?
* orthographe en vigueur à l’époque de Louis XIV.
** Je devance vos interrogations : " Mais que diable les ados ont-ils fait au Papistache ?"
Walrus, peut-être, me comprendra : ILS SONT JEUNES !