Libertinage
Je n’aurais pas dû intituler mon billet d’hier “Bavardage”.
Bavard, je ne le suis qu’à la pointe de l’index.
En société, je serais du genre taiseux.
Voilà que passager sur un paquebot, cette nuit, je me suis lancé dans une grande entreprise de séduction d’une digne représentante “emperlousée” de ce que la noblesse produit de mieux afin d’assurer un taux de remplissage optimum des cabines du pont supérieur des navires de croisières, sous le regard dubitatif de mes trois filles et celui, interrogatif, de mon épouse, reléguée à trois chaises de mon assiette, laquelle, bien que je fusse à la table de la baronne ne contenait que trois petites sardines mortes probablement noyées dans un décilitre d’huile de tournesol ; la baronne, elle, chipotait des mets dont ni mon père ni ma mère jamais ne m’avaient conté l’existence.
Et je parlais, je parlais... et tout en parlant, je me faisais la réflexion que décidément mon écriture déteignait sur mon art oratoire jadis si inversement proportionnel au nombre d’individus composant la société dans laquelle les aléas de l’existence me plongeaient à intervalles incertains avec effroi et consternation.
Et je parlais... et la comtesse (entre caviar d’esturgeon femelle éventrée et foie gras de canard mort, elle avait trouvé le temps, outre de devenir veuve, de se consoler sa viduité en épousant un vicomte que la mort de son père éleva au rang de pair du royaume entre l’explosion de deux bulles de vin de Champagne Corse) la comtesse, donc, un verre de cristal à la main, verre qu’une année de mon salaire n’aurait pu que constituer la première des vingt-quatre traites nécessaires à son acquisition, buvait mes paroles.
Et je parlais... je parlais... et les mots coulaient comme roses et rubis des lèvres de la sœur si aimable avec les fées et je me disais que s’il était si facile de commander à mes rêves en intitulant mon billet “Bavardage” je m’autoriserais volontiers une nuit voluptueuse en donnant à celui-ci pour titre et dernier mot : “libertinage”.