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Papistacheries
29 mai 2009

880 : huit de plus, c'était un palindrome...

Un thé ?
           Un petit thé aux chiffres romains dont personne ne parvenait plus à suivre le décompte tant cela devenait compliqué ?
                  S’il vous plait ?

C’est en ces termes — à moins que ce n’en fussent d’autres — que votre amie Valérie me proposait, voici peu, de renouer avec les petits billets matutinaux de jadis.

                Quelle gymnastique !

                                    CCCLXV jours en MMVII
                                             CCCLXVI en MMVIII
                                                        CXLIX en MMIX

CCCLXV + CCCLXVI + CXLIX = DCCCLXXX


Soit ! Alors...


Thé DCCCLXXX



Comme l’ambiance a changé depuis 2007. La cuisine est froide et humide. Le Papistache — tiens, il s’est fait beau, il a mis la majuscule ! — ne daigne plus s’assoir sur cette chaise où vous le vîtes s’assoir.


                  Hémorroïdes ?
                  Non !

Sept heures ! L’amie bouilloire se couvre de poussière, là, à l’angle de la plaque neuve. Autrefois, tandis qu’il ouvrait les volets, le Papistache l’aurait mise à siffler sur le feu vif puis l’aurait soulevée pour verser, frémissante, l’eau excitée — dont il aurait, de la manche, essuyé les gouttes éclaboussées autour des bols jumeaux— excitée par le plaisir de tirer des volutes miel d’un sachet choisi entre cent. Il aurait... il aurait...


Sept heures dix. A l’étage, son pas traine encore entre la douche et le bureau.

Sept heures douze. Le Papistache descend les marches de son escalier de bois sombre.
                            Combien ?
                                              Beaucoup.

Il manque la dernière, se retient à la boule de verre facettée de la rampe et jure. Il jure comme jure un célibataire. A voix haute.
Gavish-borno-caïté !

Il remonte quatre à quatre les marches impaires, souffle au palier et cherche où il a bien pu poser sa montre.
             Renonce.
                               Redescends.
                                                          Jure.

La bouilloire tend ses joues, veut rutiler, se résigne. Le Papistache emplit son verre — un verre qui se trouvait là, à l’angle de la table ronde (oui, il écrit à l’angle de la table ronde : le lecteur rougit, il a honte à sa place) — d’eau chaude au robinet. Le jet, violent, arrose l’évier et un peu plus. Le Papistache ferme les yeux :  sa manche se vexe.

Un petit cuiller rincé — l’a-t-il vraiment rincé ou essuyé du coude ? — plonge dans le pot jaune d’or de la ricorée* durcie. Le Papistache écrase un grumeau du dos du cuiller (Henri IV, parait-il, donnait le genre masculin à cuiller ) et le jette à la surface du liquide. La poudre s’y agglomère et forme une pâte molle qui naufrage lentement vers les abysses du verre.

Le Papistache furète les tiroirs — sa montre y serait-elle celée ?— s’agace, repousse l’un, tire l’autre.

Quoi ?
        Nulle tartine et déjà sept heures vingt-et-une ?
             Nulle tartine.
                 L’armoire épicière est vide.
                       Le pétrin enfariné oublié.
                                  Madame Patapin fit bien de quitter la ville avant pareille déchéance.

Sur l’étagère de l’arrière-cuisine — les volets restent clos tout le jour— les confitures délaissées s’aigrissent.

Sept heures vingt-cinq à la pendule qui se retient d’aller vite dans l’espoir d’un sursaut de la part du maître. Vain espoir.

Le Papistache sort sa voiture du garage qu’il a oublié, la veille, de fermer à clé. Il revient, charge ses affaires dans le coffre, retourne, inspecte la maison de l’œil, a conscience qu’il oublie quelque chose, ne trouve pas. Sur le paillasson, sa montre voisine avec le sécateur et la pelote de raphia. Le vent a soufflé et la veille il a fallu consolider les palmettes des fruitiers chéris d’Epouse-Opérée.

Mamoune ?

Le téléphone sonne. Pas un matin, depuis son opération, elle n’a oublié de lui souhaiter une bonne journée. Il se pose sur la chaise lamellée de bois bleu mistral. Promet. Ment.
— Tout va bien. Je suis prêt. J’ai bien dormi. J’ai donné les miettes aux oiseaux.
Sept heures trente. La voiture démarre.
Parvenu au stop, à l’angle de la rue des Marronniers d’Hiver et de l’avenue des Criocères Défunts, il se souvient qu’il a oublié de boire son verre tiède de ricorée* gluante*. Il en jettera le contenu à son retour, au soir, où le laissera aligné près des autres, comme de tristes témoins de son désarroi.

Samedi matin, le papistache — c’est samedi, il a ôté la cravate —effectuera son dernier aller retour entre la maison jaune et le centre médical de rééducation. Son Épouse-Plus-Que-Moitié rentre définitivement au foyer. Finie la belle vie de célibataire, le papistache va devoir réapprendre à vivre à deux. Saura-t-il supporter, de nouveau, les contraintes d’une vie partagée ?

* Un édit du bon roi Henri — toujours en vigueur, comme le fier Béarnais— stipule que tant qu'il sera en usage de donner du masculin aux petits cuillers matutinaux, il conviendra de ne pas user du même genre pour les boissons issues de la torréfaction de la racine de la chicorée amère. Fi ! Ce n'est pas chez le PaPistache qu'on boira, un jour, du Ricoré®.

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Commentaires
V
Je suis vraiment contente pour vous deux ! Profitez bien. :-)
J
Bah, ce commentaire-ci, tu le lui chanteras, j'espère ! (c'est bien du Greensleeves !)
M
Ahhh chouette, la table ronde va retrouver ses bols jumeaux !!!!<br /> Youpiiiii !!!!<br /> Sonnez hautbois, résonnez trompettes !!!!<br /> Mamoune est de retour !!! La,la,la !!!<br /> Samedi Mamoune sera là ... La,la,la !!!
P
Tilu, la bise, je la lui laisse entière. Ce soir,en rentrant, huit papillons sur une seule touffe de crucianelles. C'est Hollywood !<br /> <br /> Oui, Valérie, je l'ai écrit parce que je savais que ce serait le dernier du genre avant longtemps.<br /> <br /> Bien lu Caro-carito, la réponse est dans le texte...<br /> <br /> Alléluia, Tilleul, elle revient. Je pars la chercher tôt. On sera de retour avant que le soleil ait atteint son zénith.<br /> <br /> Kris ! Toujours là pour un thé même si, présentement,il aura gout de chicorée.<br /> <br /> Oui, Brigou, j'ai caché, depuis longtemps déjà, un petit lien "au fond du bol" colonne de droite.<br /> <br /> Merci pour votre enthousiasme Sandrine.<br /> <br /> OUi, Teb, la nuit sera courte mais profonde, je le sais déjà.<br /> <br /> Joye, merci, chaque soir je lis tous les commentaires du jour à Mamoune qui parfois en redemande.<br /> <br /> Je vais effacer, Captaine Lili, mais rassurez-vous le prime déformant de la littérature a un peu exagéré les dégâts.<br /> <br /> Merci, Aude, et pour la peine, le weekend durera trois jours ! Etonnant, non ?
A
En voilà une bonne nouvelle. Bisous à tous les deux.
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