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Papistacheries
6 janvier 2009

L'œuf (IV)

Où les femmes, une fois encore, font preuve de perspicacité : Valérie se découvre un don de double-vue et Patricia mesure combien un œuf de cent grammes peut peser plus lourd qu’un âne mort, et où Ombrelune entre en scène.


Patricia ne savait pas refuser une attention chocolatée. Elle posa l’œuf sur la table basse et se lova contre son époux. Elle aimait glisser ses mains sous la chemise de Pascal. Un art, certainement transmis de mère en fille, les maintenaient en hypothermie constante. Une au creux des reins et l’autre sur le ventre de son mari, ventre qu‘en dépit des années qui passaient restait ferme et plat en dépit d‘une inappétence chronique pour les exercices physiques. Pascal choisissait à intervalles régulier un chocolat dans la boite bordeaux et le glissait entre les lèvres de sa gourmande épouse. C’était le dernier jour des congés, il serait temps de reprendre le régime potage et salade à partir de lundi.

Monsieur P. profita de la pause gourmande pour annoncer à son épouse qu’il n’irait pas travailler la semaine qui venait.
— Et pourquoi ?
Il expliqua qu’à l’atelier les commandes ne suivaient plus... la crise... le marasme... le patron avait suggéré, à qui voulait bien faire un effort, de placer ses congés en début d’année... que l’économie allait repartir et qu’alors il aurait besoin de tout son personnel...
— J’ai accepté. Tu crois que j’ai eu tort ?

Patricia ne jugeait pas son mari. Un pacte tacite, conclu de longue date. Chacun avait droit à son jardin secret. La recette de leur équilibre, de la longévité de leur amour. Elle sourit même à l’idée que cette semaine d’inactivité permettrait à son époux de poursuivre, et qui sait ? terminer l’aménagement de la mezzanine qu’il avait commencé en aout et que le rythme du travail quotidien avait momentanément ralenti.

Une douce somnolence s’empara d’eux. Ils se laissèrent flotter ainsi jusqu’à l’heure du thé. Dans la boite bordeaux, les niches vides étaient plus nombreuses que les pleines. On aurait dit une partie d’Othello dans laquelle les noirs semblaient voués à la défaite la plus complète.

Le lundi qui suivit, Patricia s‘aperçut, à son retour du bureau, que son mari n’avait pas touché à ses outils. Le mardi, elle fit le même constat. Le soir, devant l’assiette du potage qu’elle avait elle-même préparé, brocolis-poireaux-pois-chiches, elle essaya d’orienter la conversation sur les plantes vertes qui seraient si bien, installées là-haut, sous la fenêtre de toit. Pascal acquiesça. Il s’y mettrait demain.

Comme au soir des deux jours précédents, Madame P. dut constater, le mercredi, que les travaux n’avaient pas avancé.

— Que fais-tu de tes journées ?
Pascal convint qu’il passait son temps les doigts sertis dans les alvéoles de l’œuf.

L’œuf ? Patricia, reprise par les nécessités de l’agence, l’avait oublié. Ensemble, ils essayèrent de retrouver qui avait bien pu le leur offrir. En vain, la fête avait été très animée et non, rien ne leur venait. Appeler les amis pour s’informer ne leur vint pas à l’esprit. Ils n’eurent donc pas besoin de chasser l’idée comme incongrue.

— Je demanderai à Ombrelune ; peut-être pourrait-elle m’aider.

Patricia sursauta. Ombrelune ? C’était la première fois qu’elle entendait prononcer ce nom. Ombrelune ? Une femme. Elle le sut instantanément.
Dissimulant son trouble, elle demanda :
— Qui est-ce ?
— Je ne la connais pas bien. Elle a frappé à la porte, lundi, juste après ton départ. Elle avait un œuf pareil au mien — il n’avait pas dit “au nôtre”,  mais Patricia ne le remarqua pas — nous nous sommes assis face à face. Elle est revenue mardi, et aujourd’hui, Label-Œil l’accompagnait.

Patricia devina que Label-Œil possédait un œuf en tout point identique à celui que l’énigmatique ami avait offert le soir du réveillon. Pascal souriait.


Que feriez-vous à la place de Patricia ? Vous feindriez un mal de tête, un dossier égaré, une panne de réveil ? Tout cela dans le but de retarder votre départ pour le bureau afin de faire la connaissance de ces deux mystérieuses femmes qui frappent ainsi à la porte de votre époux ?
Mais le pacte tacite, alors ?

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Commentaires
P
Bonsoir Kloelle, n'ouvrez pas votre porte à des inconnus !
K
De l'étrange au fantastique. C'est un genre qui vous va bien.<br /> L'oeuf ludique et voluptueux prend des poses un peu plus inquiétantes.
P
Ou dans l'étrâne... souvenez-vous de Prévert :<br /> Étrâne c'est plus étrange qu'étrange, quand on y réfléchit.
M
Nous entrons dans l'étrange ...<br /> Vivement la suite !!!<br /> 6 H 01 !!!<br /> ... et j'ai appris ce qu'était ce fameux Othello :<br /> "Othello est un jeu de société combinatoire abstrait, qui oppose deux joueurs : Noir et Blanc". Il fallait le caser celui-là !
P
Et moi donc, Tilu, si vous saviez combien je suis emberlificoté dans cette omelette !<br /> <br /> Je comprends mieux pourquoi je salive autant Fabeli !<br /> <br /> Tilleul, vous n'êtes pas Patricia. Le Pacte ! Le pacte !<br /> <br /> Ça vient Adi, ça vient, si l'électricité n'est pas coupée cette nuit.<br /> <br /> J'y ai songé Sandrine, mais je n'ai pas une âme de briseur d'œuf !<br /> <br /> Bon, Teb, voilà donc une série de pistes à éviter. L'enquête se resserre.<br /> <br /> Je l'aimais bien, moi, Manu, Valérie !<br /> <br /> D'autres pistes qui s'éteignent, restent les autres, Brigou !<br /> <br /> Patience, Maminette, vous allez en savoir plus demain à 6 h 01.<br /> <br /> Joye, vous chantez toujours c'est enchanteur.
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