Regain
Un homme heureux.
Un homme heureux, ça fait joliment plaisir à rencontrer.
Ce n’est pas moi ! Moi, je suis bienheureux, c’est différent.
Non, j’ai croisé un homme heureux. Pas précisément un ami. Une bonne connaissance. Il irradiait.
C’est beau un homme qui irradie.
Ça communique sa chaleur autour de lui. Un Godin en fin d’été.
Voici trois ans, sa femme le quitte vilainement. Plutôt, c’est lui qui doit fuir la maison rendue invivable.
Banal. Ordinaire. Une histoire d’adultère qui tourne à l’aigre.
Il s’enfonce. Son travail lui sert de bouée. Il perd ses couleurs. Il est seul.
Je le croise à l’occasion. Il dit sa solitude. Ses yeux se cernent de sombre.
Aujourd’hui, une fois encore, nos routes convergent.
Il est radieux. Ce n’est pas un jeune homme. Ses enfants ont l’âge des nôtres, à Mamoune et moi.
— Je ne suis plus seul ! J’ai déménagé voici quinze jours. Elle élève des bergers de Beauce. Je vais bien.
Il était inutile qu’il le précise. Bien qu’il soit amaigri, que ses cheveux aient suivi la pente fatale que j’ai connue, qu’il ait perdu deux ou trois centimètres dans l’aventure — Le chagrin, ça use — il est heureux et son bonheur lui est si grand qu’il déborde et qu’il en tartine toutes les connaissances qui lui adressent le bonjour.
On est content pour lui. L’expression est usée mais c’est celle qui colle à son sourire. Pour un peu, on le prendrait dans ses bras en lui disant : “Bienvenue au club !”
Il va sortir de nouveau sa guitare. Oui, c’est un artiste. De cœur, pas de profession. Il est fonctionnaire.
Sonné, le gars ! Étourdi ! K-O ! Aujourd’hui, il est de nouveau debout, radieux. Un adolescent qui tombe amoureux, on connait. Un jeune adulte également. Un pré-retraité ou tout comme, c’est plus rare mais, diable que ça réveille les sens !
Si j’avais possédé le pinceau lumineux de Kloelle, je vous aurais croqué son regard, son sourire. Ses derniers cheveux, même, avaient retrouvé de l’éclat et on croyait les voir s’ébouriffer comme sous l’effet d’un bouillonnement interne.
Je rentre à la maison et vais pour partager avec Mamoune mes émotions de fin d’après-midi. Elle m’accueille ainsi :
— J’ai rencontré François...
Sous les pas de François, aujourd’hui, l’herbe reverdissait.