Du mortier en général et du pilon en particulier
Le mortier — en marbre ? — est rangé en hauteur.
Une chaise !
Il faut une chaise pour le déloger. Il en faudra également une pour le remettre à sa place.
Qui sait ? peut-être la même !
En quel honneur le mortier ?
Le mouli-persil serait-il devenu insuffisant ? Tout le monde connait le mouli-persil ? Je ne présente pas.
Ce soir, je veux piler, au fond du mortier, les dernières feuilles du basilic qui a vaillamment tenu toute la saison au jardinet. J’aurais pu les hacher au mouli-persil, les couper “fin-fin-fin” au couteau voire avec une paire de ciseaux, non, je veux le mortier de marbre — on dira marbre — si haut perché.
Pourquoi diable si haut ? Pour qu’on ne le confonde pas avec la pelle à poussières. Une pelle en marbre ? Je m’en serais aperçu, croyez-vous. Allez savoir.
Petit rinçage obligé. Le mortier ne sert plus guère, tout juste décore-t-il un peu.
Les feuilles sont prêtes.
Ne manque que le pilon. Vous, vous auriez rangé le pilon avec le mortier. Mais je ne suis pas vous, sinon vous ne seriez pas là.
— Épouse-Qui-Sait-Tout, aurais-tu, au cours d’une de tes activités ménagères, aperçu l’ombre du pilon ?
Épouse-Qui-Sait-Tout, ouvre un tiroir et désigne l’oblong objet.
Et j’ai pilé le basilic, que j’ai mélangé à la sauce des haricots cocos, non sans avoir allongé le plat d’un filet d’huile d’olives.
Voilà, c’est tout ! Mais comme c’est bon !
Vous savez quoi ?
Je vous dis, alors.
Il est 21 h 19 et j’ai toujours au creux de l’estomac la chaleur du plat lentement — il était chaud — savouré tout à l’heure — le basilic procure, enfin à moi, c’est l’effet qu’il me fait, une sensation de satiété prolongée — mais je suis incapable de me souvenir si j’ai remis le mortier à sa place, ni ce que j’ai fait du pilon.
D’ici à ce que, demain matin, je me serve un thé dans le mortier et que je tente de puiser au fond du pot de confiture la pilonnée — un pilon = une pilonnée, comme une cuiller = une cuillerée — nécessaire à enduire mes tartines matutinales.
Pourquoi ?
Épouse-A-Qui-On-Ne-Le-Fait-Pas vous dirait que j’ai la délicieuse — fâcheuse selon elle — habitude de m’emparer du premier objet qui me tombe sous la main pour y verser mon breuvage amer. Ce ne sont que menteries.
Relisez mes 365 chroniques autour d’un bol de thé, en 2007, jamais je n’ai eu à avouer une tisane versée au creux d’une pelle à poussières. Jamais ! Bon, je n’ai jamais non plus parlé du mortier.
Alors !
Toutefois, que je vous prévienne, si vous entendez du bruit demain, vers 6 h 00, 6 h 01, ne soyez pas surpris, c’est que j’aurais croisé, sur ma route “du thé“, la chaise pas remise à sa place.
Oui, je sais, vous, vous descendriez voir ce qu’il en est. Eh bien, justement, c’est ce qui fait que vous n’êtes pas moi ! Entre autres !
Allez, bonne nuit ! Je vais lire un peu avant de me coucher.