Resucée du thé CCLXX
Epouse-Nomade devait rentrer tard hier soir.
Pas d’heure précise.
Tard !
Une intuition m’a pris.
Comme il pluvinait serré, je suis allé ouvrir le portail, puis la porte — les portes ! — du garage.
Le deuxième vantail achevait-il à peine sa course qu’Epouse-De-Retour s’engouffrait dans l’allée.
Je
fus si content d’avoir anticipé au plus juste que je regrettai aussitôt
qu’on ne fût pas le matin. J’aurais pu me recoucher dans la foulée,
assuré que plus rien de meilleur ne pourrait m’advenir de la journée.
Manque de chance, mon bonheur tombait aux dernières heures.
— “Tu pleures ?
—
Non, c’est la pluie qui ruisselle sur mon visage hâve. Je suis si
réjoui de t’avoir épargné la contrariété de sortir du véhicule pour
ouvrir le portail...
— N’empêche, on jurerait des larmes. Fais-moi goûter !
— Le vent est orienté à l’ouest. Si tu sens le sel, c’est que les embruns auront poussé jusqu’au jardinet.”
Je suis quand même allé me coucher, mais sans gloire, les poules avaient gagné leur nichoir depuis longtemps.
Je donne l’impression de fuir mon travail.
N’en croyez rien.
Depuis l’âge de dix-huit ans, j’exerce la même profession.
Je suis comme le pêcheur, immobile sous son saule,
c’est l’eau de la rivière qui se renouvelle à l’infini.
Reste
que, même si je me lève désormais le premier, je mesure, chaque jour,
que le temps nous est compté et que l’envie me tenaille de boitiller
ailleurs voir si l’herbe n’y serait pas plus verte.
Frêle
Monsieur Seguin, dont toutes les chèvres ont quitté le petit enclos et
gambadent en ce moment dans les herbes folles, là-haut, avec toutes les
vicissitudes que comportent pareilles aventures, je sens aussi
fourmiller dans ma jambe de bois un regain de sève.
L’enclos, je
l’ai ouvert moi-même aux petites chevrettes. Je crois avoir aiguisé les
cornes et limé les sabots, donné des leçons de self-défense, armé
l’esprit critique et encouragé la combativité.
Les loups
restent dangereux, nombreux. Ils jaugent l’animal et attendent leur
heure. Monsieur Seguin pourrait encore monter au créneau s’il le
fallait. Du moins le croit-il !
Epouse-Nomade devait rentrer tard hier soir.
Pas d’heure précise.
Tard !
Une intuition m’a pris.
Comme il pluvinait serré, je suis allé ouvrir le portail, puis la porte — les portes ! — du garage.
Le deuxième vantail achevait-il à peine sa course qu’Epouse-De-Retour s’engouffrait dans l’allée.
— Waooooh ! tu as vu la synchronisation ? Raconte-moi ta journée ! J'ai fait chauffer la bouilloire.
Je crois bien qu’elle n’y a vu que du feu. D’ailleurs, dans la cheminée flambaient les belles bûches fendues au printemps.
Posté par la_richmoutiere à 06:01 - Matutinal tea - Commentaires [10] - Rétroliens [0] - Permalien [#