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Papistacheries
21 juillet 2008

Blanche

Acte I
Scène 1


Grand plateau de 8 m sur  8 m. Au centre, un espace de 4 m sur 4 m, un lit recouvert d’une couette blanche, tête du lit côté jardin, deux oreillers blancs. La couette pend au sol. Près de la tête du lit, une table de chevet recouverte d’un linge blanc. Hors le drap, la table est nue, collée au lit ; les spectateurs la voient en entier.

Une femme, jeune, cheveux défaits, en chemise de nuit de drap blanc. Elle arpente l’espace de 4 m sur  4 m. On dirait que ce serait la chambre. Elle marche à grands pas, va, vient, martèle le sol. Ses mains sont en permanence en mouvement. Elle se tord les doigts, fait des moulinets, assouplit ses poignets, recommence. Lumière blanche, elle marche, va et vient. Jamais elle ne dépasse les limites virtuelles du carré de la chambre. Ses pieds nus claquent sur le sol. Visage impassible, elle marche. Ses mains dansent. Elle marche. Longtemps. Longtemps. Longtemps.

Côté jardin, au milieu du mur virtuel de la chambre, une porte et son chambranle. Ils n’étaient pas là au début de la scène. La porte est sortie du sol sans aucun bruit, à un moment où la comédienne se trouvait face au côté cour. Les spectateurs n’ont rien vu, rien entendu. La porte est là.

La comédienne n’est pas surprise — sa chambre a toujours été dotée d’une porte — elle arpente l’espace écrasé de lumière blanche. Ses mains dansent. Elle marche. La porte est peinte en gris souris, sobre, sans moulure, une porte pleine, sans poignée.

La comédienne marche. Elle marche. La couette blanche disparait. Elle est aspirée en une fraction de seconde par le sol vers le fond de la scène. Un homme nu est couché dans le lit, sur le ventre. Jeune. L’éclairage souligne ses poils d’un halo doré. Les spectateurs ne soupçonnaient pas que dans le lit reposait un personnage. La femme marche. Ses mains dansent.

Elle n’est pas surprise. Elle a passé la nuit avec l’homme qui dort sur le ventre, nu, ses poils dans un faisceau de lumière dorée. Elle marche, ses talons claquent sur le sol. Ses mains dansent.

Depuis le début du spectacle, vingt minutes, elle marche, vite. Elle n’est pas fatiguée, elle est jeune. Sportive. Ses cheveux flottent au vent qu’elle crée par ses déplacements rapides. Elle marche dans un espace de 4 m sur 4 m occupé par un lit et une table de chevet recouverte d’un drap blanc.

La table de nuit n’est plus là. Les spectateurs ne l’ont pas vue se fondre dans le sol. Le drap blanc qui la recouvrait est resté sur le sol. Un  faisceau de lumière vert anisé descendu des cintres  le montre aux spectateurs. Oh ! dira l’un deux ! La femme marche, ses mains dansent. L’homme dort sur le ventre, ses poils frisent dans la lumière rasante. Ses bras sont croisés sous sa tête, il écrase les oreillers. Sa poitrine se soulève. Il dort. Elle marche, ses mains dansent.

Le lit s’abaisse lentement, très lentement, si lentement que les spectateurs ne le voient pas bouger. La femme transpire un peu, son front se constelle de gouttelettes de sueur, les ailes de ses narines également. Le lit est désormais totalement absorbé par le sol. L’homme dort sur le ventre au ras du parquet. Les oreillers sont écrasés par ses bras repliés sous sa tête. La femme marche et ses mains dansent.

Sur la porte, une poignée de métal doré est là. Les spectateurs ne l’ont pas vue apparaître. Qui sait depuis combien de temps elle est là ? Il faudra revenir pour une nouvelle représentation. L’homme se lève. Il est nu, ses poils  éclairés en contre jour lui font une silhouette bordée d’or. Il ceint sa taille du drap qui couvrait la table de chevet. La lumière verte vacille puis doucement s‘éteint. L’homme sort par la porte en la poussant. Il s’enfonce dans  l’obscurité qui baigne le plateau au delà de ce qu‘on a convenu d‘appeler la chambre. La porte reste ouverte. Un faisceau de lumière éclaire la poignée qui brille. La femme marche, ses cheveux volent dans le vent qu’elle soulève par son effort. Elle a chaud.  Ses mains dansent. Ses pieds claquent sur le sol.

Une voix masculine très grave troue le silence.

L’homme : Chérie, qu’est-ce que tu prends, ce matin ?

La femme s’arrête. Ses seins soulèvent sa chemise de nuit. Elle est essoufflée. Ses mains caressent son ventre. Elle est enceinte, presque à terme. Les spectateurs n’ont pas vu le ventre grossir. Elle est enceinte et elle caresse doucement son ventre. Elle noue ses cheveux en un chignon approximatif puis elle sort  en marchant comme une femme prête à accoucher. Son ventre est lourd, proéminent. Elle sort, la lumière blanche gagne tout le plateau au rythme de la sortie de la femme. La porte a disparu quand elle caressait son ventre. Les spectateurs n’ont rien vu. Ils reviendront pour comprendre.

Elle sort. Sa  voix est particulièrement musicale.

La femme : Blanche ! On l’appellera Blanche !

Le plateau est éclaboussé de lumière crue, les oreillers sont toujours là mais on ne les voit plus, la lumière les écrase.

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Commentaires
S
Ah pour sur oui, si vous n'avez jamais gouté à la daube de Julatilu faut que vous cessiez séance tenante tout ce que vous z'êtes en train de faire pour aller chez eux y goûter !!
K
Comme au théatre: j'applaudis.
C
En fait cela aurait dû être...<br /> <br /> N'étiez-vous pas bien installée?<br /> <br /> Si.
V
Une deuxième entracte alors qu'on a même pas eu de deuxième partie! C'est plus ce que c'était, le théâtre...
P
Muy bien, Caro !<br /> <br /> Val, voulez-vous que je vous dégote un vide-greniers pour le 26 au matin ?<br /> <br /> Tilu, Grisette a été en partie source de mon inspiration du soir.<br /> <br /> C'est gentil, ça, Véron !<br /> <br /> Je suis bien content d'en être, chère Miss-Ter !
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