Chronique d'un instant
Je suis très heureux, Caro-carito, que vous ayez l’occasion de souligner les qualités de Mamoune. C’est vrai, les lecteurs de passage pourraient croire que j’embellis notre relation pour métamorphoser notre idylle en utopie. Ou bien, il faut croire qu’en Utopie, c’est là que nous avons jeté l’ancre.
Au sein de notre cercle d’écrivaillons et écrivaillonnes, les rares témoins de l’existence concrète de ma Plus-Que-Moitié peuvent affirmer que je ne mens jamais quand je la peins.
Pierre Bonnard, toute sa vie d’artiste, a peint son épouse. Ne vieillissait-elle donc pas ou son regard de peintre la trempait-il dans une eau de jouvence à chaque clignement de cils ?
Votre amie l’Oursonne, Caro-carito, a beaucoup de talent, j’ai reconnu votre regard. Je me suis autorisé à emprunter son croquis pour flécher le chemin qui mène à vos champs floconneux, même si je sais que nombre de ceux qui viennent se désaltérer à mes papistacheries sont également de fidèles arpenteurs de vos heures de coton.
Savez-vous que la charmille contre laquelle vous vous appuyiez, hier, chuchote encore vos paroles ? C’est que les oisillons, s’ils se sont tus, n’ont pas perdu une miette de vos confidences. C’est ainsi, en nos collines, il nous suffit de retourner nous assoir à l’ombre des feuilles dentées pour que nous soit rendu à l’envi le chapelet de mots que les oiseaux archivent pour nous.
Vos brigands se sont glissés au sein de la charmille, ils ont dû vous dire la cathédrale de silence studieux qu’elle recèle. Nos hôtes de plumes sont de patients moinillons — leur robe n’a-t-elle pas la couleur de la bure ?— scrupuleux copistes qui consignent toute l’histoire du territoire dont ils nous concèdent — à titre exceptionnel et provisoire — l’entretien. On possède le disque dur de son époque !
J’ai creusé, ce matin — voyez mes ongles, ils portent encore la trace de l’activité — un grand trou entre le grillage et l’angle ouest de la charmille. La clématite Alpina y a trouvé sa place. Si la cohabitation ne lui déplait pas, elle mêlera ses branches à celle de la passiflore qui ne vous enchante guère. En réunissant leurs tiges exploratrices peut-être, de loin, parviendront-elles à vous réconcilier avec la fleur de la passion un peu trop m’as-tu-vu mais qui mérite néanmoins sa place au soleil. Deux arrosoirs n’ont pas été de trop pour l’abreuver et d’autres suivront puisque le soleil s’est promis de briller pour honorer qui-vous-savez de ses rayons.
Cette réponse à votre commentaire m’a suggéré qu’elle serait plus à sa place là où je la dépose à l’instant.
Mamoune vous embrasse, je pense à vous.
Papistache.